Lewis Carroll

 

III
Insectes du miroir

 

Naturellement, elle commença par examiner en détail le pays qu'elle allait parcourir : « Ça me rappelle beaucoup mes leçons de géographie, pensa-t-elle en se dressant sur la pointe des pieds dans l'espoir de voir un peu plus loin. Fleuves principaux... il n'y en a pas. Montagnes principales... je suis la seule qui existe, mais je ne crois pas qu'elle ait un nom. Villes principales... Tiens, quelles sont ces créatures qui font du miel là-bas ? Ça ne peut pas être des abeilles... personne n'a jamais pu distinguer des abeilles à un kilomètre de distance... » Et pendant quelques minutes elle resta sans rien dire à regarder l'une d'elles qui s'affairait au milieu des fleurs dans lesquelles elle plongeait sa trompe, «exactement comme si c'était une abeille ordinaire », pensa Alice.
Mais c'était tout autre chose qu'une abeille ordinaire : en fait c'était un éléphant, comme Alice ne tarda pas à s'en apercevoir, bien que cette idée lui coupât le souffle tout d'abord. « Ce que les fleurs doivent être énormes ! se dit-elle tout de suite après. Elles doivent ressembler à des petites maisons dont on aurait enlevé le toit et qu'on aurait placées sur une tige... Et quelles quantités de miel ils doivent faire ! Je crois que je vais descendre pour... Non, je ne vais pas y aller tout de suite, continua-t-elle, en se retenant au moment où elle s'apprêtait à descendre la colline au pas de course, et en essayant de trouver une excuse à cette crainte soudaine. « Ça ne serait pas très malin de descendre au milieu d'eux sans avoir une longue branche bien solide pour les chasser... Et ce que ça sera drôle quand on me demandera si mon voyage m'a plu ! Je répondrai : Oh, il m'a beaucoup plu... (Ici, elle rejeta la tête en arrière d'un mouvement qui lui était familier) ; seulement il faisait très chaud, il y avait beaucoup de poussière, et les éléphants étaient insupportables !
« Je crois que je vais descendre de l'autre côté, poursuivit-elle au bout d'un moment. Peut-être que je pourrai aller voir les éléphants un peu plus tard. D'ailleurs, il me tarde tellement d'entrer dans la Troisième Case ! »
Sur cette dernière excuse, elle descendit la colline en courant, et franchit d'un bond le premier des six ruisseaux.

- Billets, siouplaît ! dit le Contrôleur en passant la tête par la portière.
En un instant tout le monde eut un billet à la main : les billets étaient presque de la même taille que les voyageurs, et on aurait dit qu'ils remplissaient tout le wagon.
- Allons ! montre ton billet, petite ! continua le Contrôleur, en regardant Alice d'un air furieux.
Et plusieurs voix dirent en même temps, («comme un refrain qu'on chante en choeur», pensa Alice) :
- Ne le fais pas attendre, petite ! Songe que son temps vaut mille livres sterling par minute !
- Je crains bien de ne pas avoir de billet, dit Alice d'un ton craintif ; il n'y avait pas de guichet à l'endroit d'où je viens.

Et, de nouveau, les voix reprirent en choeur :
- Il n'y avait pas la place de mettre un guichet à l'endroit d'où elle vient. Là-bas, le terrain vaut mille livres le centimètre carré !
- Inutile d'essayer de t'excuser, reprit le Contrôleur ; tu aurais dû en acheter un au mécanicien.

Et, une fois de plus, les voix reprirent en choeur :
- C'est l'homme qui conduit la locomotive. Songe donc : rien que la fumée vaut mille livres la bouffée!
Alice pensa : « En ce cas, il est inutile de parler. »

Les voix ne reprirent pas ses paroles en choeur, étant donné qu'elle n'avait pas parlé, mais, à sa grande surprise, tous se mirent à penser en choeur (j’espère que vous savez ce que signifie penser en choeur... car, moi, j'avoue que je l'ignore) : « Mieux vaut ne rien dire du tout. La parole vaut mille livres le mot »
« Je vais rêver de mille livres cette nuit, c'est sûr et certain » se dit Alice.
Pendant tout ce temps-là, le Contrôleur n'avait pas cessé de la regarder, d'abord au moyen d'un télescope, ensuite au moyen d'un microscope, et enfin au moyen d'une lunette de théâtre. Finalement il déclara: «Tu voyages dans la mauvaise direction », releva la vitre de la portière, et s'éloigna.
- Une enfant si jeune, dit le monsieur qui était assis en face d'elle (il était vêtu de papier blanc), devrait savoir dans quelle direction elle va, même si elle ne sait pas son propre nom !
Un Bouc, installé à côté du monsieur vêtu de blanc, ferma les yeux et dit à haute voix :
- Elle devrait savoir trouver un guichet, même si elle ne sait pas son alphabet !
Un Scarabée se trouvait assis à côté du Bouc (c'était un groupe de voyageurs des plus étranges, en vérité !) et, comme ils semblaient avoir pour règle de parler l'un à la suite de l'autre, ce fut lui qui continua en ces termes :
- Elle sera obligée de partir d'ici comme colis !
Alice ne pouvait distinguer qui était assis de l'autre côté du Scarabée, mais ce fut une voix rauque qui parla après lui. « Changer de locomotive... », commença-t-elle, puis elle s'étouffa et fut obligée de s'interrompre.
« Cette voix est rude comme un roc », pensa Alice.
Et une toute petite voix, tout contre son oreille, dit :
« Tu pourrais faire un jeu de mots à ce sujet... quelque chose sur "roc" et sur "rauque", vois-tu ? »
Puis une voix très douce murmura dans le lointain : « Il faudra l'emballer soigneusement, et mettre une étiquette : "Fragile". »
Après cela, plusieurs voix continuèrent à parler. («C'est fou ce qu'il y a de voyageurs dans ce wagon! » pensa Alice). Elles disaient: « Elle devrait voyager par la poste, puisqu'elle a une tête comme on en voit sur les timbres »... « Il faut l'envoyer par message télégraphique »... « Il faut qu'elle tire le train derrière elle pendant le reste du voyage»... etc.
Mais le monsieur vêtu de papier blanc se pencha vers elle et lui murmura à l'oreille :
- Ne fais pas attention à ce qu'ils disent, mon enfant, et prends un billet de retour chaque fois que le train s'arrêtera.
- Je n'en ferai rien ! déclara Alice d'un ton plein d'impatience. Je ne fais pas du tout partie de ce voyage... Ce wagon me déplaît... Ces sièges sont durs comme du bois !... Ah! comme je voudrais revenir dans le bois où j'étais tout à l'heure !
- Tu pourrais faire un jeu de mots à ce sujet, dit la petite voix tout près de son oreille, quelque chose comme
« dans un bois » et : « sur du bois », vois-tu ?
- Finissez de me taquiner, dit Alice, en regardant vainement autour d'elle pour voir d'où la voix pouvait bien venir. Si vous tenez tellement aux jeux de mots, pourquoi n'en faites-vous pas un vous-même ?
La petite voix soupira profondément ; il semblait évident qu'elle était très malheureuse, et Alice aurait prononcé quelques mots compatissants pour la consoler, « si seulement elle soupirait comme tout le monde ! » pensa-t-elle. Mais c'était un soupir si extraordinairement léger qu'elle ne l'aurait absolument pas entendu s'il ne s'était pas produit tout près de son oreille. En conséquence, il la chatouilla terriblement, et lui fit complètement oublier le malheur de la pauvre petite créature.
-
Je sais que tu es une amie, continua la petite voix, une amie intime, une vieille amie, et tu ne me ferais pas de mal, bien que je sois un insecte.
- Quel genre d'insecte ? demanda Alice non sans inquiétude. (Ce qu'elle voulait vraiment savoir, c'était s'il piquait ou non, mais elle jugea qu'il ne serait pas très poli de le demander.)
"Comment, mais alors tu n'aimes..." commença la petite voix ; mais elle fut étouffée par un sifflement strident de la locomotive, et tout le monde fit un bond de terreur, Alice comme les autres.
Un cheval, qui avait passé la tête par la portière, la retira tranquillement et dit : « Ce n'est rien ; c'est un ruisseau que nous allons sauter. » Tout le monde sembla satisfait, mais Alice se sentit un peu inquiète à l'idée que le train pouvait sauter. « De toute façon, il nous amènera dans la Quatrième Case, ce qui est assez réconfortant ! » pensa-t-elle.
Un instant plus tard, elle sentit le wagon se soulever tout droit dans l'air, et, dans sa terreur, elle se cramponna à la première chose qui lui tomba sous la main, qui se trouva être la barbe du Bouc.

Mais la barbe sembla disparaître au moment précis où elle la touchait, et elle se trouva assise tranquillement sous un arbre... tandis que le Moucheron (car tel était l'insecte à qui elle avait parlé) se balançait sur une branche juste au-dessus de sa tête et l'éventait de ses ailes.
A vrai dire, c'était un très, très gros Moucheron « à peu près de la taille d'un poulet », pensa Alice. Malgré tout, elle n'arrivait pas à avoir peur de lui, après la longue conversation qu'ils avaient eue.
- ... alors tu n'aimes pas tous les insectes ? continua le Moucheron aussi tranquillement que si rien ne s'était passé.
- Je les aime quand ils savent parler, répondit Alice. Dans le pays d'où je viens, aucun insecte ne parle.
- Et quels sont les insectes que tu as le bonheur de connaître dans le pays d'où tu viens ?
- Les insectes ne me procurent aucune espèce de bonheur parce qu'ils me font plutôt peur... du moins les gros... Mais je peux te dire le nom de quelques-uns d'entre eux.
- Je suppose qu'ils répondent quand on les appelle par leur nom ? demanda le Moucheron d'un ton négligent.
- Je ne les ai jamais vus faire cela.
- A quoi ça leur sert d'avoir un nom, s'ils ne répondent pas quand on les appelle ?
- Ça ne leur sert de rien, à eux, mais je suppose que c'est utile aux gens qui leur donnent des noms. Sans ça, pourquoi est-ce que les choses auraient un nom ?
- Je ne sais pas. Dans le bois, là-bas, les choses et les êtres vivants n'ont pas de nom... Néanmoins, donne-moi ta liste d'insectes.
- Eh bien, il y a d'abord le Taon, commença Alice, en comptant sur ses doigts.
- Et qu'est-ce que le Taon ?
- Si tu préfères, c'est une Mouche-à-chevaux, parce qu'elle s'attaque aux chevaux.
- Je vois. Regarde cet animal sur ce buisson : c'est une Mouche-à-chevaux-de-bois. Elle est faite entièrement de bois, et se déplace en se balançant de branche en branche.
- De quoi se nourrit-elle ? demanda Alice avec beaucoup de curiosité.
- De sève et de sciure. Continue, je t'en prie.
Alice examina la Mouche-à-chevaux-de-bois avec grand intérêt, et décida qu'on venait sans doute de la repeindre à neuf, tellement elle semblait luisante et gluante. Puis, elle reprit :
- Il y a aussi la Libellule-des-ruisseaux.
- Regarde sur la branche qui est au-dessus de ta tête, et tu y verras une Libellule-des-brûlots. Son corps est fait de plum-pudding ; ses ailes, de feuilles de houx ; et sa tête est un raisin sec en train de brûler dans de l'eau-de-vie.
- Et de quoi se nourrit-elle ?
- De bouillie de froment et de pâtés au hachis de fruits ; elle fait son nid dans une boîte à cadeaux de Noël.
- Ensuite, il y a le Papillon, continua Alice, après avoir bien examiné l'insecte à la tête enflammée (tout en pensant :« Je me demande si c'est pour ça que les insectes aiment tellement voler dans la flamme des bougies.... pour essayer de devenir des Libellules-des-brûlots ! »)
- En train de ramper à tes pieds, dit le Moucheron (Alice recula ses pieds vivement non sans inquiétude), se trouve un Tartinillon. Ses ailes sont de minces tartines de pain beurré, et sa tête est un morceau de sucre.
- Et de quoi se nourrit-il ?
- De thé léger avec du lait dedans.
Une nouvelle difficulté se présenta à l'esprit d'Alice :
- Et s'il ne pouvait pas trouver de thé et de lait ? suggéra-t-elle.
- En ce cas, il mourrait, naturellement.
- Mais ça doit arriver très souvent, fit observer Alice d'un ton pensif.
- Ça arrive toujours, dit le Moucheron.
Là-dessus Alice garda le silence pendant une ou deux minutes, et se plongea dans de profondes réflexions. Le Moucheron, pendant ce temps, s'amusa à tourner autour de sa tête en bourdonnant. Finalement, il se posa de nouveau sur la branche et demanda :
- Je suppose que tu ne voudrais pas perdre ton nom ?
- Non sûrement pas, répondit Alice d'une voix plutôt anxieuse.
- Pourtant ça vaudrait peut-être mieux, continua le Moucheron d'un ton négligent. Songe combien ce serait commode si tu pouvais t'arranger pour rentrer chez toi sans ton nom ! Par exemple si ta gouvernante voulait t'appeler pour te faire réciter tes leçons, elle crierait : « Allons ».... puis elle serait obligée de s'arrêter, parce qu'il n'y aurait plus de nom qu'elle puisse appeler, et, naturellement, tu ne serais pas obligée d'y aller.
- Ça ne se passerait pas du tout comme ça, j'en suis sûre. Ma gouvernante ne me dispenserait pas de mes leçons pour si peu. Si elle ne pouvait pas se rappeler mon nom, elle crierait : « Allons, là-bas, Mademoiselle! »
- Eh bien, si elle te disait : « Allons là-bas, Mademoiselle ! » sans rien ajouter d'autre, tu t'en irais là-bas, et ainsi tu ne réciterais pas tes leçons. C'est un jeu de mots. Je voudrais bien que ce soit toi qui l'aies fait !
- Pourquoi voudrais-tu que ce soit moi qui l'aie fait ? C'est un très mauvais jeu de mots !
Mais le Moucheron se contenta de pousser un profond soupir, tandis que deux grosses larmes roulaient sur ses joues.
- Tu ne devrais pas faire de plaisanteries, dit Alice, puisque ça te rend si malheureux.
Il y eut un autre soupir mélancolique, et, cette fois, Alice put croire que le Moucheron s'était fait disparaître en soupirant, car, lorsqu'elle leva les yeux, il n'y avait plus rien du tout sur la branche. Comme elle commençait à avoir très froid à force d'être restée assise sans bouger pendant si longtemps, elle se leva et se remit en route.
Bientôt, elle arriva devant un espace découvert, de l'autre côté duquel s'étendait un grand bois : il avait l'air beaucoup plus sombre que le bois qu'elle avait laissé derrière elle, et elle se sentit un tout petit peu intimidée à l'idée d'y pénétrer. Néanmoins, après un moment de réflexion, elle décida de continuer à avancer : « car je ne veux absolument pas revenir en arrière », pensa-t-elle, et c'était la seule route qui menât à la Huitième Case.
« Ce doit être le bois, se dit-elle pensivement, où les choses et les êtres vivants n'ont pas de nom. Je me demande ce qui va arriver à mon nom, à moi, lorsque j'y serai entrée... Je n'aimerais pas du tout le perdre, parce qu'on serait obligé de m'en donner un autre et qu'il serait presque sûrement très vilain. Mais, d'un autre côté, ce que ça serait drôle d'essayer de trouver la créature qui porterait mon ancien nom ! Ce serait tout à fait comme ces annonces qu'on voit, quand les gens perdent leur chien: « répond au nom de : Médor; portait un collier de cuivre... » je me vois en train d'appeler : «Alice » toutes les créatures que je rencontrerais jusqu'à ce qu'une d'elles réponde ! Mais, naturellement, si elles avaient pour deux sous de bon sens, elles ne répondraient pas ».
Elle était en train de divaguer ainsi lorsqu'elle atteignit le bois qui semblait plein d'ombre fraîche. «Ma foi, en tout cas, c'est très agréable, poursuivit-elle en pénétrant sous les arbres, après avoir eu si chaud, d'arriver dans le... dans le... au fait, dans quoi ? continua-t-elle, un peu surprise de ne pas pouvoir trouver le mot. Je veux dire : d'arriver sous les... sous les... sous ceci ! dit-elle en mettant la main sur le tronc d'un arbre : Comment diable est-ce que ça s'appelle ? Je crois vraiment que ça n'a pas de nom... Mais, voyons, bien sûr que ça n'en a pas ! »
Elle resta à réfléchir en silence pendant une bonne minute ; puis brusquement, elle s'exclama « Ainsi, ça a bel et bien fini par arriver ! C'était donc vrai ! Et maintenant, qui suis-je ? Je veux absolument m'en souvenir, si c'est possible ! Je suis tout à fait décidée à m'en souvenir ! » Mais, elle avait beau être tout à fait décidée, cela ne lui servit pas à grand-chose ; tout ce qu'elle put trouver, après s'être cassé la tête pendant un bon moment, ce fut ceci : « L, je suis sûre que ça commence par L. ! »
Juste à ce moment-là, un Faon arriva tout près d'elle. Il la regarda de ses grands yeux doux, sans avoir l'air effrayé le moins du monde. « Viens, mon petit!» dit Alice, en étendant la main et en essayant de le caresser ; mais il se contenta de reculer un peu, puis s'arrêta pour la regarder de nouveau.
- Qui es-tu ? demanda le Faon. (Quelle voix douce il avait !)

« Je voudrais bien le savoir !» pensa la pauvre Alice. Puis, elle répondit, assez tristement :
- Je ne suis rien, pour l'instant.
- Réfléchis un peu, dit le Faon ; ça ne peut pas aller comme ça.
Alice réfléchit, mais sans résultat.
- Pourrais-tu, je te prie, me dire qui tu es, toi ? demanda-t-elle d'une voix timide. Je crois que ça m'aiderait un peu.
- Je vais te le dire si tu viens avec moi plus loin, répondit le Faon. Ici, je ne peux pas m'en souvenir.
Alice entoura tendrement de ses bras le cou du Faon au doux pelage, et tous deux traversèrent le bois. Quand ils arrivèrent en terrain découvert, le Faon fit un bond soudain et s'arracha des bras de la fillette.
- Je suis un Faon ! s'écria-t-il d'une voix ravie. Mais, mon Dieu, ajouta-t-il, toi, tu es un petit d'homme !
Une lueur d'inquiétude s'alluma brusquement dans ses beaux yeux marrons, et, un instant plus tard, il s'enfuyait à toute allure.
Alice resta immobile à le regarder, prête à pleurer de contrariété d'avoir perdu si vite son petit compagnon de voyage bien-aimé. « Enfin, je sais mon nom à présent, se dit-elle ; c'est déjà une consolation. Alice... Alice... je ne l'oublierai pas. Et maintenant, auquel de ces deux poteaux indicateurs dois-je me fier ? Je me le demande. »
Il n'était pas difficile de répondre à cette question, car il n'y avait qu'une seule route, et les deux poteaux indicateurs montraient la même direction. « Je prendrai une décision, se dit Alice, lorsque la route se divisera en deux, et que les poteaux indicateurs montreront des directions différentes. »
Ceci semblait ne jamais devoir arriver. En effet, Alice marcha longtemps ; mais, chaque fois que la route bifurquait, les deux poteaux indicateurs étaient toujours là et montraient la même direction. Sur l'un on lisait :
VERS LA MAISON DE BONNET BLANC, et sur l'autre : VERS DE BLANC BONNET LA MAISON.
« Je suis sûre, finit par dire Alice, qu'ils vivent dans la même maison ! J'aurais dû y penser plus tôt... Mais il ne faudra pas que je m'y attarde. Je me contenterai de leur faire une petite visite, de leur dire : "Comment allez-vous ?" et de leur demander par où je peux sortir du bois. Si je pouvais arriver à la Huitième Case avant la nuit! »
Elle continua à marcher, tout en parlant sans arrêt, chemin faisant, jusqu'à ce que, après avoir pris un tournant brusque, elle tombât tout d'un coup sur deux gros petits bonhommes. Elle fut si surprise qu'elle ne put s'empêcher de reculer ; mais, un instant plus tard, elle reprit son sang-froid, car elle avait la certitude que les deux petits bonshommes devaient être...


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